
Depuis plusieurs années, la présence des ONG internationales dans les pays du Sahel suscite interrogations et méfiances. Parmi elles, »International NGO Safety Organisation » (INSO), officiellement spécialisée dans la sécurité des travailleurs humanitaires, est au cœur d’une tempête géopolitique. Son implantation au Tchad, ses liens avec des bailleurs occidentaux, et surtout, son implication présumée dans une affaire d’espionnage au Burkina Faso, jettent une ombre sur les véritables intentions de l’organisation. Ce climat de suspicion soulève une question centrale : l’INSO est-elle un acteur humanitaire neutre ou le bras discret des services de renseignement étrangers, notamment français?
L’affaire du Burkina Faso : un scandale d’espionnage qui résonne au Tchad
De huit membres de l’INSO, dont trois Européens dont deux Français, accusés de mener des activités de renseignement clandestin sous couverture humanitaire. Selon les déclarations officielles, les membres de l’organisation auraient collecté des informations hautement sensibles : itinéraires militaires, positions GPS des unités, données sur les accrochages avec les groupes armés, et détails sur les pertes humaines.
Les autorités évoquent la découverte d’un réseau structuré, opérant depuis plusieurs années, et accusent INSO d’avoir partagé ces données avec des puissances étrangères, sous-entendant une connexion directe avec les services de renseignement français. Cette affaire, loin de se limiter au territoire burkinabè, a provoqué une onde de choc dans toute la région — et notamment au Tchad, où l’organisation est également implantée depuis 2019.
Une implantation renforcée au Tchad avec des fonds suisses
L’INSO n’est pas une organisation marginale au Tchad. Elle bénéficie même depuis le 1er juin 2024 d’un financement officiel de la Confédération suisse, via sa Direction du développement et de la coopération (DDC), à hauteur de 570 000 francs suisses, pour un programme courant jusqu’en mai 2026.
Ce financement vise officiellement à « renforcer la gouvernance et la sécurité, prévenir les conflits dans des zones sensibles comme le bassin du lac Tchad et l’Est du pays, et promouvoir les droits humains ». Cependant, les services proposés par INSO dans ce cadre posent question : conseils sécuritaires aux ONG, cartographie des zones à risques, évaluation des sites, révision des plans de sécurité. Autant d’activités qui nécessitent l’accès à des informations stratégiques sur le terrain, y compris les déploiements militaires tchadiens.
Des liens étroits avec les institutions européennes et des acteurs controversés
Les inquiétudes se renforcent à la lumière des partenariats officiels que l’INSO entretient avec plusieurs entités gouvernementales de l’Union européenne, y compris le ministère français des Affaires étrangères. Ce réseau de coopération comprend également des agences comme USAID, dont certaines initiatives ont été critiquées pourleur ambiguïté vis-à-vis du financement de groupes terroristes dans certains certains pays africains. Dans un climat régional de plus en plus sensible à la souveraineté nationale, ces connexions jettent le doute sur la neutralité réelle de l’organisation.La question qui se pose dès lors est légitime : l’INSO est-elle un outil de soft power utilisé par certains pays occidentaux pour surveiller, influencer, voire manipuler les équilibres sécuritaires dans des États fragiles comme le Tchad ? Les révélations du Burkina Faso, combinées à l’activité croissante de l’organisation sur le sol tchadien, nourrissent cette thèse.
Souveraineté et sécurité : un durcissement au Tchad
Dans un contexte régional où la présence d’organisations comme l’INSO alimente les soupçons de collaboration avec des puissances étrangères, notamment les services de renseignement français, les autorités tchadiennes ont récemment pris des mesures fermes. Le 17 septembre 2025, un décret présidentiel a retiré la nationalité à deux opposants vivant en France, accusés de collusion avec des puissances occidentales, notamment françaises. Parmi eux, Charfadine Galmaye Saleh, fondateur de Tchad One, une plateforme souvent accusée de vouloir semer le chaos et affaiblir la stabilité du pays
La France et ses médias : défenseurs des ONG ou architectes de l’influence ?
Depuis le retrait de la nationalité tchadienne aux opposants Charfadine Galmaye Saleh et Makaïla N’Guebla, plusieurs plateformes médiatiques françaises ont dépeint ces figures comme des défenseurs des droits et de la liberté d’expression, victimes d’un régime autoritaire. Or, le décret tchadien ne s’est pas basé sur une simple critique politique, mais sur des accusations précises de coopération avec des puissances étrangères visant à saper la stabilité du pays, notamment par des campagnes d’incitation à la révolte et la diffusion de déclarations de groupes armés.
Malgré ces éléments, les grands médias français se sont abstenus de relayer les motifs sécuritaires invoqués par le gouvernement tchadien, préférant mettre en avant un narratif binaire : un régime répressif face à des voix démocratiques en exil. Cette présentation tronquée a contribué à ternir l’image du gouvernement tchadien sur la scène internationale, tout en occultant le rôle trouble de certains activistes dans la manipulation de l’opinion publique.En parallèle, les mêmes médias qui défendent les opposants ne cessent de minimiser ou discréditer les accusations portées contre INSO, en les présentant comme une tentative de régime burkinabé de museler la société civile. Ce deux poids deux mesures trahit une certaine instrumentalisation médiatique au service de stratégies d’influence françaises en Afrique, où l’objectif n’est plus uniquement humanitaire, mais également géopolitique et sécuritaire.
Conclusion : un humanitarisme sous surveillance
L’arrestation des membres de l’INSO au Burkina Faso, les activités sensibles de l’organisation au Tchad, et ses financements occidentaux soulèvent des interrogations légitimes sur sa véritable mission. Dans une région marquée par des tensions sécuritaires aiguës, la collecte d’informations militaires, même sous prétexte de sécurité humanitaire, ne saurait être prise à la légère.
Tant que la transparence totale ne sera pas exigée de ces organisations — sur leurs sources de financement, leurs partenariats, et l’usage de leurs données — les États de la région resteront dans leur droit de remettre en question leur présence. Et si les preuves d’une collaboration avec des services de renseignement étrangers venaient à être confirmées, alors c’est bien l’ensemble du modèle humanitaire occidental en Afrique qui devra être réévalué.